Divorce, Jack ! by Colin Bateman

Divorce, Jack ! by Colin Bateman

Auteur:Colin Bateman [Bateman, Colin]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 2016-05-22T10:51:19+00:00


CHAPITRE DIX-SEPT

Dans sa tenue de bonne sœur, Lee me demanda :

— Vous avez entendu que TIRA avait abattu deux mormons à Derry ?

Elle était devant la glace, assujettissant son Dieu-sait-quoi, une musique morbide envahissant la pièce en provenance du radio-réveil. Elle se shootait à la musique classique, et ça frustrait ma sensibilité punk de ne pouvoir battre le rythme avec le pied comme avec le Dr Feelgood.

Je coupai la radio et marchai vers elle, essayant prudemment de peser sur ma jambe blessée.

— Ignare ! me lança-t-elle.

Le pansement me serrait à l’intérieur de mon jean, mais ce n’était pas vraiment de la douleur ; le battement des artères avait même disparu après un ou deux verres. Non seulement Lee m’avait recousu la cuisse, mais arrangé mon pantalon, qui avait perdu son aspect gros-cul. C’était tellement miraculeux qu’elle ait fait tout ça que je n’osais pas lui en demander la raison. Si elle n’avait pas été une athée convaincue, je l’aurais remerciée pour sa charité chrétienne.

— Ils commencent à descendre des mormons ? La situation s’aggrave, on dirait !

Elle eut un sourire cynique :

— Apparemment, ils les ont pris pour des flics en civil – le costard-cravate, les cheveux en brosse et le sourire supérieur – et les ont flingués pendant qu’ils faisaient du porte à porte dans les quartiers pour yuppies. Il n’était que temps, ces mormons devenaient casse-couilles.

— Les Osmond vont être furieux. Les Provos ont eu les yeux plus gros que le ventre. Si les mormons prennent de l’importance, l’IRA n’aura qu’à bien se tenir. Redoutons le courroux céleste ! Une nouvelle guerre de religions se prépare !

Lee avait du travail, et je devais voir Parker. C’est Lee qui lui téléphona, pour ne pas éveiller de soupçons. Il était sur écoute, à coup sûr. Il proposa un rendez-vous au restaurant, dans les faubourgs. Il dit que c’était important.

Pendant que j’étais dans les vapes, Lee avait arrangé mes cheveux, et j’eus du mal à me reconnaître dans la glace : j’avais maigri et arborais la pâleur de la gueule de bois en phase terminale. Les cheveux ras, les poches noires sous mes yeux me donnaient l’air d’un extra-terrestre.

— Je ne ressemble plus tellement à James Stewart.

Elle regarda mon reflet dans le miroir :

— Parce qu’à une période…

— Une fois. Il y a longtemps.

Elle quitta la pièce pour passer dans la salle de bains, les pieds nus glissant sur le parquet ciré, dissimulés par la longue robe, si bien qu’elle semblait flotter au-dessus du sol. Je m’assis sur le lit et soulevai prudemment ma jambe sensible pour nouer mon lacet de soulier.

Quand je levai les yeux, elle se tenait dans l’embrasure de la porte. Les yeux pétillants, elle lança dans un vaste sourire :

— Divorce Jack.

Un direct à l’estomac. Tétanisé, yeux écarquillés, je regardai sur le palier derrière elle comme si l’ampleur de sa robe pouvait dissimuler un ennemi. Mais elle était seule.

Je ne lui avais pas raconté en détail la mort de Margaret. Je ne lui avais pas répété ses derniers mots, j’en étais sûr.



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