Noël, chaudière et préjugés by Victoria Lace

Auteur:Victoria Lace [Lace, Victoria]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Juno Publishing
Publié: 2023-12-06T23:00:00+00:00

Chapitre 15

Darcy

Parler avec Bennett me permet d’oublier que je suis enfermé dans cette foutue cave. La première chose que je ferai lorsque nous serons enfin sortis de là, ce sera de faire changer la porte, même si ce n’est que pour six mois. Ce n’est finalement pas plus mal que nous soyons obligés de partir. Cet immeuble est un vrai piège, entre la chaudière qui ne fonctionne que quand elle veut et cette porte qui s’est coincée.

Lorsqu’il me parle de Noël, je lui raconte mes merveilleux souvenirs d’enfant. Tout petit, j’ai probablement dû aimer cette fête, mais dès que j’ai un peu grandi, j’ai appris à la redouter. Mes parents se disputaient toujours ce jour-là, et le réveillon comme le déjeuner du lendemain se déroulaient dans un silence pesant. Nous, les enfants, demeurions le plus silencieux possible, essayant de nous faire oublier, parce que nous savions qu’au moindre couvert qui tinterait contre la porcelaine, nous nous prendrions une tempête de reproches sur la tête. Les meilleurs Noëls d’enfance que j’ai passés étaient lorsque mes parents donnaient une réception et que mon frère et moi étions envoyés en cuisine pour rester avec nanny et les domestiques. C’était beaucoup plus chaleureux. Quand je suis entré à Eton, j’ai pris l’habitude de dire que j’avais trop de devoirs pour me joindre au déjeuner du vingt-cinq, imitant mon frère.

Bennett a l’air choqué.

— Même dans mes familles d’accueil les moins chaleureuses, Noël reste un bon souvenir, se remémore-t-il. Les cadeaux pouvaient être minables, mais il y avait une bonne ambiance.

— Et maintenant ? Vous le fêtez dans votre dernière famille d’accueil ? demandé-je, curieux.

— Ça m’arrive, mais la plupart du temps, je réunis ma famille de cœur avec moi, des amis de fac, Ella, d’autres personnes que j’aime bien, comme M. Berstein. Nous ne sommes pas forcément nombreux, nous n’avons pas de caviar, mais l’atmosphère est chaleureuse et ce sont de super moments.

Il a un tel sourire en disant cela que je ne doute pas qu’il passe d’excellentes fêtes. Je l’ai constaté à Thanksgiving, que je n’ai pas fêté, évidemment. Des odeurs de nourriture et des bruits de rires et de conversations animées venaient de son appartement.

Adulte, j’ai pu enfin zapper ces rendez-vous familiaux. Mais comme mes quelques amis étaient dans leur famille, et que je n’ai jamais eu de relations suffisamment solides pour que mon petit ami du moment passe les fêtes avec moi au lieu de rentrer chez ses parents, je ne célèbre pas Noël, voilà tout. Pour moi, c’est un jour comme un autre.

— C’est triste, commente Bennett.

— Non, je m’en fiche, affirmé-je.

Ce n’est pas tout à fait vrai. Tout autour de moi me démontre que Noël est là, tout le monde semble avoir des projets et une place qui l’attend à une table familiale ou amicale. Les rues elles-mêmes sont un rappel de cette soudaine mise à l’écart. L’an dernier, je me suis terré chez moi avec un livre sur l’art, et j’ai passé mon Noël à manger des pizzas en attendant que ce soit enfin fini et que la vie normale puisse reprendre.

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